Osons penser hors du cadre
Tout le monde s’accorde pour reconnaître que la diffusion mondiale du Covid-19 nous fait vivre des circonstances exceptionnelles. Et ces circonstances sont tellement exceptionnelles que beaucoup de nos systèmes de gestion de crise semblent pris au dépourvu … Mais à y bien regarder, une pandémie de ce type n’était-elle pas simplement envisageable, sinon prévisible ? Juste un exemple : Le « Livre blanc de 2008 sur la défense et la sécurité nationale » nous prévient que « Les risques sanitaires sont susceptibles d’engendrer une désorganisation des échanges économiques. Ils présentent des coûts de prévention et de protection très importants. La propagation de nouvelles souches virales ou bactériennes ou la réapparition sur le continent européen de souches anciennes résultent de l’ouverture des frontières, de la fluidité des transports et de la rapidité des échanges internationaux. » et plus loin que « Les désorganisations sociales majeures que peuvent provoquer les nouveaux types d’épidémies … font partie des risques d’ampleur nouvelle qui pèsent sur la collectivité nationale ».
Poser la question de la prévision, c’est mettre en lumière que nos systèmes de gestion de crise ont été conçus « dans le cadre » pour faire face à des difficultés pouvant survenir dans le cadre, et que pour bâtir ces systèmes censés nous protéger – ce qu’ils font plutôt bien dans l’ensemble – nous avons fait des impasses. Et ce que nous vivons aujourd’hui est la conséquence des impasses que nous avons faites, en toute connaissance de cause, … et des coupes claires auxquelles nous avons procédé dans les moyens des hôpitaux.
Nombreuses sont les voix qui s’élèvent aujourd’hui pour s’émouvoir du fait que nous sommes dépendants – interdépendants disent les plus timides – de l’usine du monde dans de nombreux domaines sensibles, comme la pharmacie ou les composants électroniques. Mais n’avons pas nous-mêmes fabriqué cette dépendance, en mettant de façon tout à fait consciente et délibérée tous nos œufs dans le même panier … avec la plus parfaite insouciance, mus que nous étions par l’appât du gain ? Le vent de la mondialisation rendait sourd aux objections, et le bruit des délocalisations couvrait les voix dissidentes ramenées au rang d’inepties funestes.
Si la perspective de gagner de l’argent n’est pas en soi blâmable, la politique du « low cost » à tout prix, y compris celui de la dépendance, a été menée sur la base d’une conception strictement financière de l’économie et de l’entreprise, et avec pour objectif – pour ne pas dire l’envie – de gagner le maximum d’argent dans le minimum de temps. « Ils nous vendrons jusqu’à la corde qui nous permettra de les pendre » (aurait dit Lénine).
La crise actuelle n’est pas encore terminée qu’il nous faut déjà penser « l’après ». La priorité donnée à court terme à la « gestion sanitaire » de la crise ne doit pas nous faire perdre de vue que la « gestion économique » doit d’ores et déjà être préparée.
La pire chose qui pourrait nous arriver, au sortir de cette crise, serait de nous enfermer dans le déni, de faire comme si rien ne s’était passé, de recommencer comme avant …
Il est intéressant de constater, ironie de l’histoire, que la notion de crise se traduit en chinois par un idéogramme représentant à la fois la crise et l’opportunité … Et de fait, chaque « crise » est une formidable occasion de nous poser les bonnes questions, sans tabou ni idée préconçue, sur les sujets fondamentaux et notamment sur les impasses que nous avons faites !
Cette crise va nous faire redescendre sur terre à condition que nous sachions en tirer les bons enseignements, que nous sachions travailler sur notre capacité de discernement, que nous sachions donner la parole, dans nos organisations, aux profils différents, à ceux dont l’approche a été laissée de côté pour le « low cost ».
Encore faut-il aussi que nos organisations s’autorisent cette réflexion … ce qui ne sera pas simple parce cela va toucher à des enjeux de pouvoir …
Encore faut-il que nous soyons en situation de repérer les personnes capables de mener à bien cette réflexion, capables de « penser hors du cadre ».
Ces profils sont « atypiques » dans nos organisations nourries au processus et à l’assurance qualité, mais les outils existent pour vous aider à les repérer rapidement.
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