De la réaction à l’anticipation
La question de la réduction des coûts a été martelée à tel point dans les entreprises que l’on pourrait finir par penser qu’une entreprise efficace, compétitive, est une entreprise qui sait réduire ses coûts, voire que la réduction des coûts est la stratégie fondamentale d’une entreprise. C’est ainsi que nous avons vu apparaître un nouveau type de spécialiste : le « cost-killer » dont la raison d’être, comme son nom l’indique, est de « tuer », disons réduire au maximum, les coûts. L’existence de fonctions de ce genre est l’expression d’une philosophie de l’entreprise, celle du « toujours moins cher », celle qui crée de la valeur « comptable » plutôt que de la valeur économique, qui fait passer les chiffres avant la réalité.
La philosophie du « toujours moins cher » a tendance à oublier que l’activité de l’entreprise s’apprécie à l’intérieur du triangle « qualité-délais-coûts », et qu’à privilégier à toute force la réduction des coûts, on finit par détériorer la qualité ou les délais ou même les deux.
C’est ainsi qu’en voulant réduire les coûts, on perd de vue la finalité de l’entreprise. Et la finalité d’une entreprise n’est pas de produire des biens et des services les moins chers possibles. La finalité d’une entreprise, c’est-à-dire ce pour quoi elle est constituée, est au fond de créer des richesses, de fournir des biens et des services, pour répondre aux besoins de la vie en société.
Pour accomplir sa mission, l’entreprise doit gagner sa vie, c’est à dire être bénéficiaire, être profitable. Pour autant, le profit n’est pas la finalité de l’entreprise, il est la condition indispensable de sa survie et de son développement, en un mot de sa pérennité. Une entreprise est profitable lorsqu’elle se trouve dans les conditions qui lui permettent de gagner sa vie d’une manière durable et pour gagner sa vie d’une manière durable, une entreprise doit être « dans la course », c’est-à-dire compétitive.
La compétitivité d‘une entreprise est sa capacité à se mesurer, d‘une manière durable et avec succès, à ses concurrents dans la compétition vis-à-vis des clients. Pour entretenir et développer cette capacité, l’entreprise doit fournir les bons produits, sur les bons marchés, au bon moment, dans les délais requis, avec la qualité requise, au meilleur coût et au bon prix.
La question de fond, pour une entreprise, n’est donc pas de chercher à réduire en permanence ses coûts, mais plutôt de chercher à développer sa fourniture de biens et de services. Mais cela implique pour elle d’avoir une vision, et d’imaginer les moyens de la faire vivre.
Dans cette perspective, il est aisé de constater que la compétitivité d’une entreprise ne passe pas fondamentalement par des actions de « réduction des coûts », c’est-à-dire des réactions qui font passer d’une marche à une autre, des réactions qui s’accompagnent de ruptures. La compétitivité passe bien davantage par l’anticipation, par une adaptation continue, par une évolution « au fil de l’eau ».
Cette capacité de l‘entreprise à se mesurer à ses concurrents, d‘une manière durable et avec succès, passe par une démarche prospective permanente, qui se situe au carrefour des évolutions démographiques, technologiques, économiques, et aussi des politiques de ressources humaines.
Cette démarche prospective de l’entreprise suppose une connaissance approfondie de ses métiers et de son environnement, une réflexion permanente sur son organisation, ses forces et ses faiblesses, une capacité à se projeter et à « maîtriser son futur ». Pour une entreprise, alors que les actions de réduction des coûts sont une manifestation de « réaction », un fonctionnement dans l’anticipation est au contraire une manifestation de « prise en main » de son destin et se révèle durablement économe en ressources.
Adopter une stratégie fondée sur l’anticipation, c’est mettre en perspective :
- La recherche permanente du meilleur équilibre à l’intérieur du triangle « qualité-délais-coût »,
- L’adaptation continue et l’évolution « au fil de l’eau »,
- Une démarche prospective globale.
Cette stratégie est respectueuse de l’entreprise, de son environnement et des salariés, parce qu’elle intègre la dimension du temps, c’est-à-dire la dimension de la vie. Elle est ainsi génératrice d’un fonctionnement durablement économe en ressources et représente, à ce titre, un gage de la pérennité de l’entreprise.