Comme il arrive parfois au cours des réunions amicales, la conversation avait petit à petit glissé sur la vie au travail et chacun y allait tranquillement de son couplet sur les chefs, les collègues, le management, les syndicalistes, les ingénieurs, et bien d’autres encore, le tout avec l’assurance de celui qui sait, et qui est d’autant plus péremptoire dans ses propos que sa situation professionnelle ne le conduira jamais à les mettre en pratique.
Seuls ma voisine et moi ne disions rien, impressionnés par tant d’assurance. Jusqu’au moment où fusa le mot « reconnaissance ».
Cela eut pour effet de démultiplier la capacité de notre petit groupe à pérorer sur son importance : carburant de la motivation pour les uns, aliment de la carrière pour les autres, nous arrivâmes assez rapidement à la conclusion que, tous autant que nous étions, nous attendions de la reconnaissance.
C’est à cet instant du débat que ma voisine, avec un grand sourire et beaucoup de bienveillance, lâcha son pavé dans la mare… « Pourquoi attendre de la reconnaissance de personnes qui ne vous connaissent même pas. » Plouf …! Les éclaboussures de cette formule eurent l’effet d’une douche froide et nous firent revenir à la réalité humaine toute simple. Nous avions un peu vite oublié que, si nous attendions tous de la reconnaissance, c’est qu’elle devait venir d’autres que nous, et que ces autres, pour nous en gratifier, devaient au moins nous connaître !
Chacun sait, de par son expérience, que la proximité des managers avec leurs équipes représente une formidable source d’efficacité pour les entreprises. Encore faut-il que les équipes en acceptent l’augure, et que les managers acceptent l’idée qu’apprendre à connaître les personnes qui leur sont confiées fait intégralement partie de leurs fonctions, et que prendre le temps de le faire et de bien le faire, constitue la première priorité de leur management.
L’on sent bien, intuitivement, que cette pratique du management est profitable non seulement pour l’entreprise mais aussi pour ses collaborateurs. Dans ces conditions, pourquoi est-elle aussi peu répandue ?
C’est tout simplement parce que cette pratique touche à notre manière même de vivre, qu’elle atteint des domaines très personnels et bouscule des idées reçues, et que l’interaction permanente « connaissance / reconnaissance », met en jeu l’une des choses les plus délicates de la vie quotidienne : la capacité de chacun d’entre nous d’entrer en relation avec les autres.
Ce qui oblige chacun à s’interroger sur sa conception du management, c’est à dire sur sa philosophie de la vie, son rapport à l’autorité, sa soif de pouvoir, sa relation à l’argent, ses valeurs morales, … Mais ceci est une autre histoire.